Notre correspondant à Honfleur, Philippe Grenier, nous fait visiter le Jardin des Personnalités, un parc à la mémoire des personnalités françaises célèbres ayant vécu à Honfleur.
En cette fin du 19ème siècle, la France est meurtrie par sa défaite, face à la Prusse, lors de la guerre de 1870 ; elle y a perdu deux provinces l’Alsace et la Lorraine, qu’elle ne récupérera qu’a l’issue de la guerre de 1914-18. Paris se remet difficilement du soulèvement populaire de la « Commune » et de son cortège de morts. Le climat est au pessimisme, intellectuels en tête.
Par réaction, un mouvement résolument optimiste émerge et balaye le statu quo bourgeois ; il prend à contre-pied les règles du passé. En peinture c’est le mouvement Impressionniste ; dans les domaines de l’écriture et de la pensée ce seront les mouvements qualifiés de « Hydropathe » ou « Hirsute, » entre autres, auxquels adhérera bien sûr A. Allais, et il y prendra une part active.
Alphonse Allais est né en 1854 à Honfleur, dans l’appartement situé au-dessus de la pharmacie de son père située place Hamelin, non loin de la Lieutenance. Cette officine s’est maintenue jusqu’à ces derniers années sous le nom de « Pharmacie du Passocéan » Une « réclame » vantant les mérites d’un remède contre le mal de mer figure toujours sur sa façade.
Le baccalauréat en poche, Alphi (c’était son surnom) apprend chez son pharmacien de père les rudiments du métier, mais ses facéties à répétition finissent par décourager le pauvre homme. Voici notre héros inscrit à la faculté de Paris, mais il y fréquente davantage les bars et les cabarets que la faculté. Son père lui coupe alors les vivres et il doit travailler, tout en poursuivant ses études, qu’il achèvera en 1881.
Son travail consiste en l’écriture de chroniques et de nouvelles humoristiques que quelques quotidiens parisiens accueillent, dont la revue « Le Chat Noir » du célèbre cabaret éponyme situé sur la butte Montmartre. Dans ce cabaret, il y retrouve un autre honfleurais, de douze ans son cadet et qui est venu au monde rue Haute, à Honfleur donc, non loin de la pharmacie paternelle ; ce honfleurais n’est autre que Erik Satie, qui est encore loin d’être célèbre. Il est à l’époque « tapeur à gages » comme il se définit lui-même, c’est à dire pianiste salarie du cabaret.
En 1891 A. Allais publie « A se tordre » et l’année suivant » Vive la vie « œuvres qui lui valent la célébrité. En 1899 il se marie avec Marguerite Gouzé, âgée de 26 ans et fille d’un brasseur anversois, lui le grand buveur d’absinthe ! En 1899 il est rédacteur en chef du « Sourire ».
Mais malade, il refuse de se soigner sérieusement et décède en 1905 d’une embolie pulmonaire. Il est enterré au cimetière parisien de Saint-Ouen et curiosité de destin, en 1944, à l’occasion d’un bombardement allie, sa tombe est pulvérisée !
A. Allais à laissé une œuvre considérable : des centaines, des milliers de chroniques écrites au jour le jour. Comme tous les précurseurs il a été copié sans vergogne par d’autres grands noms de l’humour.
Quelle était donc sa recette ? …. Une once de « non-sens » anglais, une bonne dose de malice, et une pointe d’humour absurde voir subversif. À ce tarif-là on ne put pas plaire à tout le monde, génie pour les uns, fumiste pour les autres.
Il a toutefois une particularité bien à lui : généralement l’humoriste vous guide sur un chemin bien droit, et change de direction au dernier moment. Chez A. Allais, il est quasiment impossible de voir ou il nous a bernés ! Il a ouvert une voie nouvelle qui conduira des années plus tard au « Dadaïsme » et au « Surréalisme. »
Quelques citations d’Alphonse Allais :
Shakespeare n’a jamais existé, ses œuvres ont été écrite par quelqu’un qui portait le mem nom que lui.
Il ne faut jamais faire de projet, surtout en ce qui concerne l’avenir.
Les gens qui ne rient jamais ne sont pas des gens sérieux.
Les villes devraient être construites à la campagne, l’air y est plus pur.
Il était Normand par sa mère, mais Breton … par un ami de son père.
Le café est un breuvage qui fait dormir quand on n’en prend pas.
Un cocu est un entier qui partage sa moitié avec un tiers.
Le whisky est une mauvaise chose, surtout le mauvais whisky.
Parmi ses principales inventions on peut citer :
L’aquarium en verre dépoli pour poisson timide.
La casserole carrée pour empêcher le lait de tourner.
La tasse à thé pour gaucher (avec l’anse à gauche)
Plus sérieusement A. Allais est l’inventeur du café lyophilisé. Aux armées il était attristé de la très mauvaise qualité du café servi aux recrues. Fort de ses connaissances en chimie, il dépose en 1881 un brevet (no. 141530 au ministère de l’agriculture) pour la fabrication de café soluble . . . reste sans suite jusqu’à ce qu’un certain Max Morgenthaler commercialise en 1935 le Nescafé.
Alphonse Allais est très certainement passe à côté de la fortune, mais ce n’était pas son ambition.
—Philippe Grenier
Honfleur, La France